La Balade de la transition
Du 7 au 10 juin derniers, une partie de l’équipe de FabRégion Bas-Saint-Laurent a participé à une « Balade de la transition » à Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue. Miraculeusement, l’événement nommé Territoires en transition, organisé par le Collectif territoire de Rouyn-Noranda, a réussi à regrouper des acteurs et actrices de la transition socioécologique des quatre coins du Québec, et de la péninsule acadienne.
La Réserve mondiale de la biosphère Manicouagan Uapishka (RMBMU), le Centre de recherche en innovation sociale, spécialisé en développement durable (Le CIRADD de Gaspésie les Îles), Imaginons la péninsule acadienne autrement et Le Grand Dialogue régional pour la transition socioécologique du Saguenay-Lac-Saint-Jean sont les autres délégations s’étant présentées à l’événement.
Prototyper nos projets de transition
Les moments de discussion entre délégations n’ont pas manqué durant le séjour. Que ce soit lors d’une activité de réseautage en nature lors de discussions animées en mode slow dating1 ou dans un dérivé de forum ouvert2 dirigé par une mime, tout moment était opportun pour échanger sur nos approches de la transition. Armés de bloc lego, de symboles en impression 3D, de Post-it et de café, nous avons également effectué un prototypage de nos projets territoriaux pour nous les présenter mutuellement.
L’aspect créatif d’une activité de prototypage favorise la réflexion sur notre vision tout en matérialisant le chemin déjà parcouru. Les contraintes matérielles nous forcent à nous réinventer et à innover dans notre façon de présenter la FabRégion. Les résultats ayant émergé de cette activité étaient infiniment révélateurs sur la singularité des projets et leur ancrage dans le territoire!
Qui sont nos alliés et d’où viennent-ils ?
Un constat très clair a été mis en lumière à la suite de ces trois jours de rencontre : si nos objectifs sont similaires, les moyens d’y parvenir sont toutefois bien différents. Les territoires, tant dans leur composante géographique, sociologique et économique, doivent emprunter des chemins de transition qui leur sont propres. Voici une brève présentation des autres territoires en transition.
Le Collectif Territoire est une organisation à but non lucratif qui prend pour mission de rassembler, dans le plaisir et la co-création, le « génie créatif » des artistes, des scientifiques et des gens de l’industrie pour mettre en valeur et réhabiliter l’écosystème du Lac Osisko à Rouyn-Noranda. Démarré en 2018, le projet a depuis introduit des îles flottantes végétalisées sur le lac, fait construire des cabanes à pêche par et pour les citoyens et mis en place un laboratoire d’espace public. Pour Geneviève Aubry, directrice du Collectif territoire, cet ancrage dans un projet concret comme celui du Lac Osisko est la grande force de l’organisation : « partir d’un projet concret et utiliser ce projet comme un reflet des changements que nous souhaitons voir arriver. »
S’étendant du village de Pessamit à Baie-Trinité sur la Côte-Nord, la Réserve mondiale de la biosphère Manicouagan Uapishka (RMBMU) est l’organisation qui gère le statut de Réserve de biosphère accordé par l’UNESCO. Ce statut vise à faire reconnaître « le potentiel et les efforts des acteurs d’un territoire donné à en faire un site d’excellence en matière de développement durable »3. Pour honorer ce statut, la RMBMU, en collaboration avec le Conseil des Innus de Pessamit, a entre autres mis sur pied la station de recherche Uapishka au pied des Monts-Groulx. Leur association avec la firme Mu Conseil leur a également permis de réaliser de nombreuses planifications stratégiques citoyennes en plus d’une vingtaine de projets avec les communautés autochtones sur le territoire.
Le CIRADD est un Centre collégial de transfert en technologie (CCTT), basé à Carleton-sur-Mer, qui supporte activement les initiatives de transitions socio-écologiques sur le territoire gaspésien. Il est notamment impliqué dans le projet Manger notre Saint-Laurent et le mouvement Nourrir notre Monde «une initiative de mobilisation de la Haute-Gaspésie qui milite pour une alimentation locale, saine et solidaire.4» La péninsule gaspésienne est toutefois encore à la recherche d’un projet transversal transcendant les démarches du CCTT. L’équipe du CIRADD nous a cependant assuré que celui-ci était sur le point d’émerger. Comme leur force est qu’en Gaspésie tout le monde se connaît, nous disait l’équipe du CIRADD, leur prochain projet de transition promet d’être rassembleur!
Comme leur nom l’indique, le Grand Dialogue est une initiative citoyenne qui prend pour mission, dans une philosophie du dialogue, de faire rêver et coconstruire la trajectoire de transition du Saguenay Lac-St-Jean. Comment faire pour atteindre les conditions minimums de compréhension entre des groupes aux intérêts divergents? Comment faire pour entendre toutes les voix? Voilà des questions sur lesquelles travaille l’équipe du Grand Dialogue. Juliette Charpentier, animatrice au Grand dialogue, nous rappelle qu’ils sont également des spécialistes du rêve : « nous sommes dans une démarche prospective qui demande une certaine posture et surtout des techniques d’animation précises pour réellement permettre aux participants de lâcher prise, sortir de leur quotidien pour se projeter et rêver sans limites. » Dans cette perspective, l’équipe a organisé plus de 200 animations citoyennes, dont une soixantaine dans les écoles primaires de la région.
Enfin, Imaginons la péninsule acadienne autrement est un projet de transition territoriale qui se positionne comme un catalyseur d’initiatives environnementales sur la péninsule. Par la voix citoyenne, l’équipe travaille à cocréer une Acadie qui sera autonome en alimentation, aménagée de façon durable sur le territoire et responsable en matière de dépense énergétique. Le fondement de leur succès est clair pour Alexandra Caissie, directrice générale de l’organisation : « notre force réside dans les liens de proximité que nous entretenons avec les acteurs de notre région, ainsi que notre résilience et notre capacité à s’adapter afin de perdurer et de faire face à la réticence, et même la résistance, que peuvent avoir certaines instances par rapport aux changements que nécessite la transition. » Comme quoi le lien avec la communauté est indispensable pour penser la durabilité!
Le retour vers notre FabRégion
L’équipe de FabRégion a été très heureuse de constater que notre projet possède lui aussi des traits inspirants pour les autres territoires. Notre proximité avec les élu-es du Bas-Saint-Laurent, notre approche de la transition socioécologique par le prisme de l’autonomie, la réalisation des autoportraits sur notre autonomie théorique, ainsi que la diversité des horizons présents sur notre comité de pilotage ont généré beaucoup de discussion et d’intérêt de la part de nos nouveaux alliés.
En nous dirigeant vers l’Abitibi nous avons formulé quelques intentions vis-à-vis de notre présence à l’événement, soit de faire la « révolution » – RIRE –, d’apprendre à mieux se connaître à l’interne de l’équipe et revenir inspirés par la force du groupe des territoires en transition. Si la réalisation de notre objectif de révolution est toujours incertaine – on ne l’a pas définie –, nous pouvons définitivement affirmer que les deux autres objectifs ont été atteints. L’équipe de FabRégion revient d’Abitibi motivée et nourrit d’idées pour continuer sur sa trajectoire et cocréer la transition vers une autonomie régionale durable. « Le modèle de financement de la RMBMU via MUConseil, l’approche de sociocratie du Grand Dialogue du Saguenay, la force citoyenne de la péninsule, la dimension artistique et culturelle du Collectif territoire et la vision large de recherche-action du CIRADD, sont définitivement des aspects qui m’ont inspiré pour la suite! », rapporte Steve Joncoux, chercheur principal et cocoordonnateur de FabRégion Bas-Saint-Laurent.
Une rumeur s’est rendue jusqu’à nous, depuis le retour de l’Abitibi! Il semblerait que le prochain rassemblement des territoires en transition pourrait avoir lieu à Rivière-du-Loup. Participer à la balade de la transition ça vous dirait ?
1 Organisé par les animateurs du Grand Dialogue, le Slow dating est une activité où les membres des différentes délégations ont pu se rencontrer et se présenter lors de discussions de groupe (6 à 10 personnes) orientées par des thèmes d’intérêt commun (la mobilisation citoyenne, le développement conscient, la transition du secteur bioalimentaire…)
2 Le Forum ouvert est un outil d’intelligence collective qui vise à faire travailler ensemble un groupe de personnes autour de problématiques et thèmes stratégiques communs. Ce type d’activité repose sur l’auto-organisation des participant-es, la créativité, la liberté d’expression et la liberté de choix. « Comment mobiliser les élu-es dans un projet de transition socio-écologique » et « Quels leviers stratégiques mettre en œuvre pour surmonter les obstacles structurels à la transition. » sont des exemples de thèmes sur lesquels nous avions le choix de travailler. Source : NEXA – 30 outils pour innover, en ligne : http://www.nexa.re/uploads/media/Nexa_30_outils_pour_innover.pdf
3 RMBMU (2022). « Réserve mondiale de Biosphère de Manicouagan-Uapishka » en ligne : https://www.rmbmu.com/reserve-de-biosphere/
4 CIRADD (2022). « Nourir notre Monde en Haute Gaspesie » en ligne : https://www.ciradd.ca/projets/lab-nourrir-notre-monde-en-haute-gaspesie/