Photo de la tournée des experts de 2022

Notre objectif

FabRégion Bas-Saint-Laurent (BSL) vise à favoriser l’autonomie régionale dans les secteurs bioalimentaire, énergétique et manufacturier pour qu’au moins 50% des consommations liées aux besoins fondamentaux de tous et toutes pour se nourrir, se loger, se vêtir et se déplacer soit assuré par des productions locales, saines et durables, d’ici 2054.

Pourquoi l’autonomie ?

Le choix de l’«autonomie» comme objectif central à pour visée d’insister sur le fait que l’autonomie des territoires est un enjeu essentiel pour développer la capacité de résilience collective dont nous avons besoin pour faire face aux crises majeures qui se profilent (économique, sociale, environnementale). Toutefois, il ne s’agit pas de subir une transition vers plus d’autonomie, mais bien de choisir cette transition pour construire collectivement un système socioéconomique durable, qui nous ressemble, qui nous relie et qui favorise le bien être de nos communautés. Nous rêvons d’une autonomie joyeuse, écologiquement viable et socialement juste.

L’autonomie globale

L’autonomie est une notion complexe et l’autonomie totale (autarcie) n’est pas nécessairement possible et pas toujours souhaitable. En effet, produire localement ce que nous consommons peut augmenter notre autonomie économique (autosuffisance) mais ne nous rend pas nécessairement plus résilient si le reste de la chaîne de valeur reste complètement dépendant de filières internationales. Par exemple, sommes-nous vraiment autonomes si les légumes que nous produisons au Bas-Saint-Laurent sont cultivés à partir de semences produites aux États Unis, avec des machines fabriquées en Chine et ramassés par des travailleurs saisonniers d’Amérique Latine ? Peut-on considérer qu’un vêtement est local lorsqu’il a été conçu et assemblé au Bas-Saint-Laurent à partir de matières premières cultivées à Madagascar et transformées au Bangladesh ? Ces exemples nous mettent en garde contre le local washing (comme dans le greenwashing) qui consiste à faire passer pour un produit local quelque chose qui ne l’est que très partiellement. Dans l’optique d’augmenter notre résilience et notre contrôle sur notre destin collectif, l’autonomie doit être conçue à l’échelle de l’ensemble de la filière, de la production des matières premières à la revalorisation des produits en fin de vie. 

Les limites socioécologiques de l’autonomie

Par ailleurs, l’autonomie totale n’est pas toujours souhaitable car, dans certaines conditions particulières, il peut être plus écologiquement viable et socialement juste d’importer et d’exporter certains produits. Par exemple, des tomates produites au Québec dans une serres chauffées au mazout peuvent avoir un impact environnemental supérieur à des tomates importées de Californie où elles ont poussé en plein champ. 

Sur le plan social, il serait problématique de favoriser exclusivement la construction d’habitations faites entièrement à partir de matériaux locaux et écologiques mais que seule une petite partie de la population aurait les moyens d’acheter. Ces différents exemples illustrent le fait qu’il ne s’agit pas de favoriser l’autonomie à tout prix, mais bien de trouver les meilleurs compromis d’un point de vue économique, écologique et social. 

L’objectif d’atteindre au moins 50% d’autonomie permet ainsi de tendre vers une vision ambitieuse et optimale en fonction des spécificités de notre territoire et en limitant les effets contre-productifs. 

Autonomie locale et solidarité internationale

Ces éléments nous invitent à développer une conception ouverte de l’autonomie. La recherche d’une autonomie optimale implique en effet d’être en lien avec d’autres territoires pour maintenir les échanges nécessaires au bien être de tous et toutes. FabRégion BSL promeut ainsi une solidarité locale entre les territoires et une solidarité internationale envers les pays dont l’économie dépend encore largement de nos consommations dans l’optique d’augmenter leur propre autonomie jusqu’à retrouver des rapports équilibrés. L’échelle régionale à laquelle nous travaillons constitue un espace de référence privilégié, connecté avec les régions voisines et ouvert sur le monde et en aucun cas une limite stricte.

Autonomie des besoins essentiels

Du point de vue de la mise en œuvre, l’autonomie ne peut pas reposer uniquement sur l’augmentation des productions locales pour répondre à la demande. Nos portraits régionaux montrent que plusieurs secteurs pourraient déjà répondre à la demande mais sont essentiellement tournées vers l’exportation en dehors de la région (pêches, élevages, produits laitiers, …). Il convient donc de mettre en place des circuits courts pour connecter l’offre et la demande. 

Par ailleurs, de nombreux secteurs ne peuvent pas répondre à la demande actuelle, faute de conditions climatiques adéquates, de matières premières existantes, de main d’œuvre disponible, ou encore de modèles de production viable. Si certains facteurs limitant peuvent être améliorés pour augmenter les capacités de production (ex: attractivité et rétention de la main d’œuvre), d’autres ne peuvent pas nécessairement l’être (ex : nous ne pouvons pas inventer de nouvelles matières premières locales). 

L’augmentation de l’autonomie passe alors par l’évolution de la demande. Cela implique de privilégier les produits locaux (et de saisons dans le cas des consommations alimentaires) et de réduire nos consommations de biens qui ne peuvent pas être produits localement pour mieux ajuster la demande à la capacité de production. Face à l’impossibilité de répondre localement à l’ensemble des consommations actuelles, nous considérons que nos ressources et nos efforts doivent d’abord servir à répondre aux besoins essentiels de tous et toutes avant d’être utilisés pour répondre à des besoins plus secondaires. Les besoins essentielles retenus ici sont : se nourrir, se loger, se vêtir, se déplacer. 

L’économie circulaire, incluant l’ensemble de ses stratégies (réduction des consommations, consommation responsable, écoconception, économie de la fonctionnalité, écologie industrielle, recyclage, etc.), est une approche privilégiée pour mettre en œuvre la diversité des changements nécessaires. 

Au delà de l’autonomie productive

FabRégion BSL vise une autonomie qui consiste essentiellement en une meilleure adéquation entre nos productions et nos consommations régionales. L’augmentation de cette autonomie, que l’on peut dire «productive» va toutefois au-delà de la transformation du système économique pour englober trois dimensions intrinsèquement liées : la relocalisation de l’économie à l’échelle des territoires, l’augmentation des pouvoirs d’agir des collectivités locales, l’encapacitation des populations pour participer activement aux processus d’autodéfinition d’un futur commun. 

La première dimension, plus spontanément associée à la notion d’autonomie productive, renvoie aux transformations évoqués précédemment (évolution de la production et de la consommation, économie circulaire, …). Toutefois, dans un contexte de mondialisation et de relative centralisation des pouvoirs au niveau des États, les régions ont peu de pouvoirs pour impulser elles-mêmes ces transformations. L’augmentation des pouvoirs d’agir des régions, des MRC et des municipalités est donc une nécessité pour que chacune puisse choisir de soutenir la transition de son système socioéconomique local vers une plus grande autonomie, selon son contexte et sa volonté. 

Au-delà des institutions politiques, la transition vers l’autonomie est un projet collectif qui nécessite l’implication d’une large majorité de citoyen·ne·s. Chacun·e·s doit être en mesure de comprendre les enjeux associés à ce projet pour pouvoir y contribuer de façon éclairée. L’autonomie va donc bien au-delà de l’augmentation de nos productions et consommations locales et implique de faire évoluer le fonctionnement de nos modes de gouvernance. Elle consiste plus largement à se donner collectivement les moyens de définir et d’influencer l’évolution de nos systèmes socioéconomiques.

Définition de l’autonomie

Nous entendons ainsi l’autonomie comme la capacité d’une collectivité à répondre aux besoins essentiels de tous ses membres par ses propres moyens, dans le respect des limites environnementales globales et sans compromettre l’autonomie des autres collectivités, pour diminuer sa dépendance à l’économie mondialisée et augmenter son pouvoir d’agir sur son avenir.

Schema operationnel FabRegion: l'autonomie régionale est composée de plusieurs éléments: - Besoins fondamentaux - Respect de l’environnement - Accessible pour tous et toutes - Chaîne de valeurs - Adaptée au territoire - Ouverte et solidaire - Pouvoirs locaux - Éducation et encapacitation

Pour aller plus loin : 

Azima S. & Mundler, P., 2023. Migrants et « blanchiment local » : le vrai coût de l’alimentation locale. Bulletin de veille sur l’agriculture de proximité N°25, fiche n°1 – janvier – mars 2023

Coadic, R. L. (2006). L’autonomie, illusion ou projet de société ? Cahiers Internationaux de Sociologie, 121(2), 317‑340.

Lagueux-Beloin, 18 septembre 2019, “Duel de GES : tomates du Québec ou du Mexique?”, en ligne sur : unpointcinq.ca

Poitevin, M., & Bezzaz, M. (2020). Autonomie alimentaire – Définitions et concepts (2020RP-33, Rapports de projets, CIRANO.) https://cirano.qc.ca/fr/sommaires/2020RP-33