[NDLR : les propos ont été édités pour en faciliter la lecture.]

Entrevue avec Steve Joncoux

Chercheur au LLio et co-coordonateur de FabRégion

Quels sont les freins et les limites ?

C’est sûr que c’est un beau grand rêve extraordinaire, c’est sûr qu’il faut rêver, il faut se projeter loin et il faut avoir des objectifs ambitieux, mais il faut être lucide aussi que ça n’arrivera pas dès demain en claquant des doigts. Des freins, des contraintes, il y en a beaucoup. C’est la réalité, on ne va pas se le cacher. Moi, le premier frein que je vois, ça va peut-être paraître gros comme ça, mais c’est la mondialisation. La première chose, je pense, contre laquelle on doit lutter, c’est la facilité que nous apporte la mondialisation. C’est une réalité, on ne va pas se le cacher. Je ne suis pas tellement pour la mondialisation, mais je ne peux pas nier que ça nous apporte beaucoup de facilité. Aujourd’hui, j’ai envie de quelque chose, je vais sur Internet, je vais trouver un site qui va me l’offrir. Je vais être capable, sans sortir de chez moi, de le commander et de le faire venir. C’est une vraie facilité qu’on ne peut pas nier et tant qu’on reste dans cette facilité là, mettre en place d’autres structures, d’autres modes de fonctionnement qui favorisent notre autonomie locale, c’est compliqué parce que c’est vraiment tentant d’aller vers la facilité. Donc, la première contrainte, le premier gros frein que je vois, c’est celui-là qui est très général, qui se joue à la fois dans nos structures, l’organisation de notre économie, l’organisation de nos institutions, dans la tête des gens, dans la psychologie de nous tous, moi y compris, on est tous marqués par cette mondialisation-là.

La deuxième que je vois, c’est notre capacité à imaginer autre chose. Dans le sens où on est tellement baignés en permanence dans ce monde-là, tel qu’il est avec cette économie mondialisée que ça devient presque difficile d’imaginer que le monde pourrait fonctionner différemment. Je pense à Hugo Latulippe, notamment dans FabRégion, qui porte beaucoup ça, qui nous dit qu’il faut faire rêver les gens, qu’il faut raconter des histoires. En fait, c’est ça, il faut redonner aux gens la capacité d’imaginer un autre monde et un autre monde qui va être meilleur pour les amener dans un changement qu’on veut vraiment radical, il faut qu’on montre qu’à l’autre bout, on ne va pas y perdre. Au contraire, on va y gagner, mais cette capacité-là d’imagination et de rêver a l’air un peu étouffé par le monde dans lequel on vit, qui ne laisse pas beaucoup de place à ça.

C’est un peu des grandes choses que j’évoque, mais à mon avis les plus gros freins sont là parce qu’en réalité, quand on regarde très concrètement les solutions pratiques et techniques, on les a. Produire de la nourriture toute l’année, on sait le faire, développer de l’énergie, faire de l’éolien, faire du solaire, de l’hydroélectrique, on sait le faire. Donc, avoir nos moyens de production, il n’est pas tant là le vrai frein, parce que ce qu’on n’a pas encore, on va être capable de le développer. Toutes les technologies qui nous manquent, on serait capable de les développer. Le principal problème est de débloquer dans la tête des gens, le fait qu’un autre monde est possible et cet autre monde peut être meilleur que celui dans lequel on vit aujourd’hui.

« C’est sûr que c’est un beau grand rêve extraordinaire, c’est sûr qu’il faut rêver, il faut se projeter loin et il faut avoir des objectifs ambitieux, […] »

Les citoyens et citoyennes du Bas-Saint-Laurent sont invité·e·s à ouvrir le dialogue autour de l’autonomie du Bas-Saint-Laurent dès le mois d’avril. Plus de détails dans la section Fabriquer.