Coordonnatrice de la Table de concertation bioalimentaire du Bas-Saint-Laurent (TCBSL)
[NDLR: les propos ont été édités pour en faciliter la compréhension.]
Qu’est-ce qui t’anime dans ce projet d’autonomie régionale?
Que ce soit justement un projet régional qui réunit une belle diversité d’acteur·trice·s qui alimentent le développement d’un écosystème collaboratif propice à l’innovation. Bien entendu, pour y arriver, nous devons travailler à développer une vision et une compréhension commune de notre territoire et c’est tout un défi!
Un projet d’autonomie alimentaire régionale ne peut pas être la responsabilité d’une seule organisation ou d’un groupe de citoyen·ne·s en particulier. Il ne repose pas non plus sur un seul projet ou dossier stratégique. Un projet d’autonomie régionale requiert l’implication de toutes les organisations et citoyen·ne·s du Bas-Saint-Laurent. C’est une responsabilité partagée. Pour moi, le projet d’autonomie régionale est un projet qui alimente le décloisonnement des organisations et l’intersectorialité. Ce sont deux éléments qui sont hyper importants pour la TCBSL. Plus particulièrement, ma plus grande motivation est de prendre part activement à un projet d’envergure qui aura des retombées concrètes pour notre région et pour le secteur bioalimentaire.
En tant que citoyenne, qu’est-ce qui te fait vibrer dans ce projet?
C’est un projet qui réunit une multitude d’acteur·trice·s qui ont une vision et une compréhension de notre territoire. Pour connaître ce qui se passe sur notre territoire, on doit réunir autour d’une même table ces différents acteur·trice·s, citoyen·ne·s du Bas-Saint-Laurent. C’est de cette façon qu’on va arriver à mieux comprendre ce qui se passe, à mieux identifier nos enjeux et à mieux identifier des pistes d’action communes pour alimenter le développement.
Il n’y a pas de recette miracle, c’est vraiment autour d’une table en se parlant et en échangeant qu’on arrive à construire un projet de l’ampleur qu’on est en train de le faire avec la FabRégion. On parle de l’économie circulaire avec le manufacturier, on parle de l’énergie, on parle du bioalimentaire. Le bioalimentaire c’est un liant naturel envers les deux autres secteurs d’activité.
Donc, ça nous permet de tisser des liens et des ponts qui vont au-delà du projet parce qu’après les réunions, lorsqu’on voit qu’on partage un point ou un enjeu commun avec une autre organisation, après les réunions, on communique ensemble et les retombées actuelles de la démarche qui nous ont permis d’arriver à développer une vision commune de ce projet-là.
L’effet de percolation est multiple parce que les ponts qui se tissent au travers des organisations restent et font en sorte qu’on soit impliqués dans d’autres projets. Je suis actuellement impliquée dans le projet Essor, qui est piloté par Économie Sociale Bas-Saint-Laurent. Sans la FabRégion, je n’aurais pas été en mesure d’être impliquée dans ce projet.
C’est aussi le cas concernant la biomasse; un projet porté et réfléchi par le Conseil régional en environnement. Ça me permet de pouvoir discuter avec Patrick Morin et regarder comment les appuyer à l’intérieur du projet de relance économique en autonomie alimentaire. Donc, les retombées sont multiples
Tu dis que le projet appelle à une intersectorialité, peux-tu m’expliquer ça ? Ce projet me permet d’être sensibilisée aux réalités des autres secteurs. Je ne suis pas une spécialiste de l’environnement ou de l’énergie, mais quand on voit un Patrick Morin qui a participé à différentes démarches et à prendre parole, c’est sûr que cela a un impact sur ma vision du secteur d’activité. C’est le même constat avec Émilie Dupont qui parle de plus en plus d’économie circulaire. Moi, avant la FabRégion, l’économie circulaire j’en entendais parler, mais je ne comprenais pas nécessairement tout ce que ça pouvait représenter pour le secteur bioalimentaire. Maintenant, c’est clair qu’il y a une place et des opportunités à saisir pour le secteur. Les déchets d’une entreprise peuvent devenir l’intrant d’un autre. On le voyait à l’extérieur du secteur et de fils en aiguilles, on voit les ponts qui sont en train de s’attacher.
Pour moi, la FabRégion a été un élément qui a permis de regarder dans une direction commune, tous secteurs confondus, même en impliquant les élus. Je n’ai jamais eu autant de liens avec les élus depuis que la FabRégion a débuté. Ils sont assis autour de la table et ça permet d’établir une relation de confiance avec eux.
C’est sûr que le contexte de la covid a fait en sorte qu’au niveau de l’alimentation, il y a eu des prises de conscience hyper importantes qui ont été prises, mais là, on le voit. Dans le dernier appel du Fond régional de rayonnement des régions, le FRR, on a vu un appel de projet en lien avec l’autonomie alimentaire. C’est pas rien! On voit tranquillement pas vite un alignement de compréhension et de vision qui permet de saisir des opportunités qu’il n’y avait pas et d’accélérer les prises de conscience.
L’autonomie du Bas-Saint-Laurent, c’est une responsabilité partagée! On a besoin de tout le monde et on a besoin des élus, on a besoin de spécialistes, des experts, des organismes, des citoyens! Travailler étroitement avec des militants, c’est sûr que c’est hyper confrontant, je peux pas le cacher. Des fois, ils nous voient, les organisations, comme des gros paquebots que ça prend énormément de temps à virer pour arriver à une destination. C’est vrai et ça prend du temps à ce qu’on vire, mais se faire confronter de la sorte, c’est hyper positif parce que ça permet justement de réorienter certaines cibles et de prendre en considération certains éléments qui n’étaient pas pris autrement. Les militants qui sont impliqués dans la FabRégion sont vraiment avant-gardistes et on a besoin de ces gens-là pour nous faire allumer des lumières. Ils nous permettent d’accélérer un peu notre vitesse de croisière, même si c’est hyper confrontant par bouts.
Quel est ton apport personnel ou organisationnel au projet?
La TCBSL c’est la porte d’entrée pour le volet autonomie alimentaire régionale. C’est une instance de concertation composée d’un conseil d’administration de 21 administrateurs, soutenus par des personnes ressources qui regroupent 120 membres, qui représentent l’ensemble des composantes du système alimentaire régional. Chacun des maillons de la chaîne de valeur du bioalimentaire. Nous sommes un des plus grands réseaux d’acteurs du bioalimentaire dans la région du BSL. La table est impliquée activement dans l’ensemble des comités de travail du projet d’autonomie alimentaire, d’autonomie régionale. Qu’on parle du comité expert, du comité pilotage, le comité de gouvernance, le comité de communication et le comité qui veille à l’organisation de la tournée des territoires. Je pense que cette implication témoigne de l’importance que ce projet a pour la table de concertation.
Le projet d’autonomie régionale occupe une place importante dans le plan de développement bioalimentaire du BSL qui a été lancé en février dernier, ce qui permet de multiplier l’effet de percolation de nos actions.
Du point de vue plus personnel, je suis habituée à naviguer au travers de points de vue et de visions différentes. Je pense que le fait d’avoir à travailler avec une instance de concertation et à essayer d’identifier rapidement ce qui nous unit, a été un grand plus du projet FabRégion. Ça alimente plusieurs chantiers et enjeux du plan régional de développement en lien avec l’énergie, l’environnement, l’économie circulaire. Donc, ça me permet de pouvoir saisir, de comprendre et de voir venir certains éléments. Puis, de pouvoir les partager et de nourrir les échanges entre les différentes instances.
En quoi tu penses que la transition vers l’autonomie régionale durable est nécessaire?
Nous sommes dans l’urgence d’agir. C’est inévitable, on est en plein cœur des changements climatiques, on est en plein cœur d’un changement important dans nos habitudes de consommation et dans notre façon d’habiter le territoire qui nous entoure.
Les impacts potentiels des changements climatiques risquent d’accentuer les pressions sur l’agriculture et d’affecter, par le fait même, l’économie régionale. On a juste à penser aux sécheresses des dernières années, aux inondations, à l’érosion des sols, la dégradation de la qualité de l’eau et j’en passe.
CITATION: Les impacts des changements climatiques menacent non seulement l’équilibre des écosystèmes, la santé et la sécurité des populations, mais également la pérennité de l’agriculture.
Ces impacts augmentent significativement le stress vécu par les producteurs agricoles de notre région et ont un impact également sur le coût de notre panier d’épicerie. Plus ça coûte cher, plus il y a des enjeux à prendre en considération dans ta production. Les impacts des changements climatiques menacent non seulement l’équilibre des écosystèmes, la santé et la sécurité des populations, mais également la pérennité de l’agriculture.
Quelles initiatives locales, régionales, provinciales, ou internationales t’inspirent et pourraient être porteuse pour la démarche FabRégion Bas-Saint-Laurent?
J’en vois plusieurs, mais je pense que le premier que j’ai envie de mettre en lumière, et c’est difficile pour moi d’en faire abstraction, c’est le nouveau plan régional de développement bioalimentaire qui a été lancé l’année dernière, dans lequel l’autonomie alimentaire est au cœur de l’énoncé de vision. Ce plan s’articule autour de six enjeux et de dix chantiers qui font référence aux différentes composantes du système alimentaire durable.
Un des projets, qui est à une plus petite échelle, ce sont les petits ambassadeurs, dont l’orientation est de favoriser la découverte de produits sains et locaux chez les tout petits. Il s’agit d’une accréditation destinée aux services de garde éducatifs qui se distinguent par une mise en valeur et à un approvisionnement en produits locaux et nutritifs.
Je pense aussi au projet Transférer sa ferme, qui a vu le jour il y a quelques années. Au BSL, une entreprise sur trois est menacée de disparaître. Dans un contexte d’autonomie alimentaire régionale ou d’autonomie régionale, chaque entreprise est hyper importante. Ça m’amène à souligner tout le travail qui a été fait par l’ARTERRE et le centre régional d’établissements en agriculture (CRÉA) qui accompagne les transferts d’entreprises et permet à la relève de trouver une ferme, de louer des terres et de pouvoir permettre à la relève de s’installer au BSL.
J’aimerais aussi souligner le développement en cours de plusieurs filières émergentes: le quinoa, les grains bio sans gluten, la filière des produits forestiers non ligneux (les PFNL), les genévriers, les noisetiers et toute la filière mycologique qui prend de l’importance au Kamouraska, puis finalement la filière de lin située dans la MRC de la Mitis !
Ta recette de l’autonomie régionale durable, ça serait quoi?
Il n’y a pas de recette miracle, je pense que c’est important de le souligner. Toutefois, je pense que je ne peux pas faire abstraction à l’importance d’avoir et de se doter de leviers financiers pour réaliser des actions cohérentes et structurantes qui auront des retombées concrètes sur notre degré d’autonomie régionale. En ce moment, au BSL, ce ne sont pas les bonnes idées qui manquent.
Le développement de notre territoire, c’est une responsabilité partagée. Donc, même si la collaboration intersectorielle demande un investissement considérable en temps, c’est une condition de succès incontournable pour augmenter notre degré d’autonomie régionale.
Dans cette perspective là, je vois trois ingrédients hyper importants pour l’autonomie alimentaire régionale: le décloisonnement entre les différents secteurs d’activité et organisations. Il faut cesser de travailler en silo. Évidemment ça demande du temps et de l’énergie.
L’intersectorialité permettra d’avoir une vision et une approche globale de notre territoire.
Finalement, la sensibilisation et l’éducation de la population en général sera déterminante!
Si je me réfère au niveau alimentaire, il est important de mieux comprendre comment les aliments sont produits, transformés, transportés, consommés et revalorisés au Bas-Saint-Laurent. Surtout dans une perspective où on voit plusieurs circuits courts se mettre en place.
On voit également une augmentation significative du panier d’épicerie. Je pense que c’est en permettant à la population de mieux connaître les enjeux de l’agriculture du Bas-Saint-Laurent, qu’on sera en mesure de pouvoir augmenter le nombre de consommateurs des produits d’ici.
C’est la même chose au niveau des secteurs de l’énergie et du manufacturier. Il y a beaucoup d’initiatives et de matériaux faits au Bas-Saint-Laurent qui sont méconnus.
Selon toi, pourquoi il faut absolument participer à la tournée des territoires?
Participer à la tournée des territoires est l’occasion de prendre part à un projet d’envergure qui nécessite une mobilisation régionale. Ce sera l’occasion de venir partager votre vision de l’autonomie régionale, de ce que vous souhaitez pour les communautés bas-laurentiennes. Ce sera un moment privilégié pour échanger des idées, entendre les réalités et la vision de chacun. J’oserais même dire que c’est une occasion unique à ne pas manquer.